A la
rédaction culturelle du journal Berlingske Tidende.
La photo
de Constanze à 78 ans est-elle celle
D’ «UNE QUELCONQUE
TANTE »?
Réponse
à l’article du même titre de Søren H. Schausser daté du 11 juillet 2006.
Sans
sources d’information, n’importe qui peut prétendre que la lune est un
fromage. Nous savons que ce n’est pas le cas, donc nous ne faisons pas cas
d’une telle affirmation. Mais si l’honorable journaliste de Berlingske Tidende
est emballé et applaudit de ses petites mains tout en colportant des
sornettes, alors on est bien obligé d’avancer les preuves du contraire.
Søren H.
Schausser est apparemment allé surfer sur internet et a atterri sur « The
Classic Music Guide Forum », un forum de chat pour les amateurs de musique. Un
club où on peut prétendre tout et n’importe quoi et souhaiter à Kenneth «
happy birthday, we are thinking of you », si on en a envie.
C’est là
qu’il tombe sur l’écrivaine australienne Agnes Selby et son allégation,
fondée sur aucune référence, selon laquelle le portrait mentionné plus haut
n’est pas et ne peut pas être celui de Constanze Mozart âgée, et quand
même, elle a « écrit un livre entier sur la veuve de Mozart ». Et n’est-ce
pas fantastique, un peu trop fantastique, que ce portrait fasse son apparition
précisément lors de l’année du deux cent cinquantième anniversaire de la
naissance de Mozart en 2006 ?
Imaginez
: si vous aviez daigné faire quelques recherches dans votre propre pays, vous
auriez probablement découvert mon livre, Constanze Mozart, publié aux
éditions elkjaeroghansen en octobre 2002, et renfermant ledit portrait de
Constanze ; portrait que l’on retrouve bien sûr dans la 4ème édition
révisée et complétée du livre, publiée aux éditions Amadeo en 2005, ainsi
que dans le nouveau livre sur Mozart, Sept éclats d’une mosaïque, qui vient
de sortir.
Constanze
Mozart est un roman biographique, mais, contrairement à la plupart de ces
romans au Danemark, il regorge de références et de sources historiques, que
personne n’est bien sûr obligé de lire, le texte est tout à fait
compréhensible sans. Il y a ainsi près de 200 références littéraires et 28
pages de mini-biographies sur chacune des personnes dont le nom apparaît dans
le livre. Il faut avoir des connaissances beaucoup plus approfondies du sujet
pour écrire un roman biographique crédible que pour une biographie «
ordinaire », et on a intérêt à prouver ce qu’on écrit !
Mais ce
n’est même pas en 2002 que le fameux portrait fait son apparition, et la
soussignée ne l’a pas non plus sorti d’un chapeau par tour de magie. Au
chapitre Légendes des photos et Musées de mon livre, il est écrit noir sur
blanc que ce portrait vient du Mozarteum !
La
Bibliothèque nationale d’Autriche, à laquelle je me suis tout d’abord
adressée, le possède également.
Le 30
juillet 2002, Silke Pirolt, mag. art., de la Österreischische
Nationalbibliotek, Bildarchiv und Porträtsamlung, avec qui j’avais communiqué
pendant plusieurs années et grâce à qui j’avais acquis de nombreuses autres
photos pour mon livre sur Constanze et les livres ultérieurs sur Mozart,
m’écrit. J’ai payé comme d’habitude le salaire horaire de rigueur pour ses
recherches. Les informations ne me tombent pas toutes cuites dans le bec.
Voici ce
qu’écrit Silke Pirolt :
//Chère
Madame Bugge Laermann,
Mes
recherches dans les collections de musique ont révélé que l’original du
portrait de Constanze Mozart âgée se trouve dans les archives du musée
régional d’Altötting. Le portrait figurait dans la succession de Max Moesmang
qui écrivit en 1910 un livre sur « la musique de chapelle du diocèse
d’Altötting à travers les âges »
La photo,
publiée dans le journal Österreichischen Musik Zeitung, détail de la photo
de groupe originale, est, tout comme la photo du livre de Carl Bär, de si
mauvaise qualité qu’il n’est pas possible d’en tirer une photo ou une diapo
utilisable. Si j’étais vous, je m’adresserais directement au musée régional
d’Altötting ...//
Ce que je
fis. J’ai téléphoné et écrit à l’office du tourisme et au maire de la
ville, étant donné que le musée dépendait de la mairie, et j’ai appelé
mille fois le musée lui-même, mais le gardien ne s’y rendait que deux fois
par semaine pour allumer et éteindre la lumière. A cette époque, l’intérêt
suscité par Constanze Mozart était quasi inexistant.
Pour
finir, le maire s’est occupé de l’affaire, mais il a seulement pu me dire
qu’il y avait effectivement un exemplaire du journal susmentionné dans une
vitrine consacrée au compositeur Maximillian Keller, avec une photo de groupe
prise à l’occasion de son 80ème anniversaire, auquel Constanze Mozart avait
participé, et qu’elle se tient à l’extrémité de la photo, mais que,
malheureusement, quelqu’un lui avait coupé la tête !
Après
1910, cette photo n’a, pour autant que je le sache, été utilisée que par
Carl Bär dans son livre très complet et documenté : Mozart. Krankheit - Tod
- Begräbnis, publié par le Mozarteum en 1962. Et par moi-même en 2002.
Est-ce Carl Bär qui s’est servi des ciseaux à broder de sa femme, je n’en
sais rien. Mais l’idée m’a effleurée.
Je me
suis donc rendue au Mozarteum. J’avais correspondu pendant des années à la
fois avec les Docteurs Sabine Greger et Ramsauer des archives Mozart de
Getreidegasse, je les avais rencontrées en 1987 et j’avais acheté une foule
de photos de leurs archives.
La copie
du Mozarteum n’était pas meilleure que celle de la bibliothèque nationale,
donc non, elles ne pouvaient décemment pas me la vendre. Mais je ne suis pas
du genre à baisser les bras ; je suis née sous le signe du cancer,
c’est-à-dire du crabe, qui, si on s’amuse à croire à ce genre de choses, se
bat jusqu’à ce qu’il perdre ses deux pinces, et les miennes sont encore très
solidement attachées. J’ai donc continué à « quémander » cette photo, et
les deux dames ont fini par céder. Elles allaient voir si leur labo photo
pouvait faire quelque chose pour améliorer la qualité de l’image au rayon
laser ou autre.
Au labo,
ils y sont arrivés. Le résultat ne pouvait en aucune façon être comparé
aux autres photos des archives du Mozarteum et comme le traitement laser avait
été effectué sur leur seul et unique exemplaire, et qu’il ne pouvait pas
être répété, on me donna cet exemplaire en remerciement des nombreuses
années de travail sur Mozart et son époque. J’ai bien sûr payé moi-même
les frais de laboratoire.
Voilà
pour ce qui est de la photo elle-même. Donc au diable l’idée fixe d’Agnes
Selby selon laquelle il s’agit d’une « quelconque tante ».
Par la
suite, elle a essayé de prouver que la photo était un faux de la façon
suivante (extrait de l’article de Berlingske) : //Tout d’abord, Constanze
souffrait gravement d’arthrite. A cette époque là, quelques années avant sa
mort, elle était fortement handicapée. En réalité, elle ne sortait jamais de
chez elle.//
Les
rhumatismes sont endémiques depuis des siècles, même les Grecs de
l’Antiquité en souffraient, et Constanze en avait également. Mais l’arthrite
est une maladie des tissus conjonctifs qu’il n’était certainement pas possible
de diagnostiquer à Salzbourg à l’époque de Constanze,
même si la maladie a été documentée autour de 1800. Sinon, elle en aurait
sûrement parlé dans ses lettres. Ce qu’elle ne fait pas. Au contraire, ses
symptômes rhumatismaux sont assez bénins. Donnons-lui la parole, à travers
deux petits passages d’une très l o n g u e lettre.
//Au
professeur de musique Friedrich Schwann à Rostock, Salzbourg, le 3 mars 1840.
Mon ami
très cher !
....
Peut-être avez-vous, cher ami, lu dans les journaux l’honneur qu’a bien voulu
m’accorder le roi de Bavière. Oui, je devais absolument venir à Munich pour
assister à la représentation de l’opéra Don Giovanni, donné en l’honneur de
la famille de Mozart...
... Ah,
je voudrais bien relater toute la gentillesse et la prévenance dont on m’a
fait preuve, si seulement ma main droite malade ne m’empêchait pas d’écrire
davantage, car précisément mon pouce et index droits sont atteints de
rhumatisme. Mais j’ai décidé d’en écrire plus dans ma
prochaine lettre, si Dieu le veut, et si ma main est guérie. // (Arthur
Schurig 1922)
Malgré
ses rhumatismes au pouce et à l’index, elle écrit une très longue lettre,
et, à peine un an avant sa mort, elle n’a mal qu’à ces deux doigts, qu’elle
compte bien voir guérir. Elle n’est pas du tout rendue infirme par ses
rhumatismes.
Par
ailleurs, elle a (en 1840) entrepris le long voyage vers Munich, à
l’invitation du roi Louis 1er de Bavière, pour la représentation de Don
Giovanni. Un immense honneur et il semblerait que l’opéra, et donc Constanze,
aient fait l’objet de bien des festivités.
Et si
elle était en état de se rendre à Munich, elle a sans aucun doute aussi pu
aller à Altötting, une adorable ville baroque située entre Passau, Salzbourg
et Chiemsee.
A partir
du milieu du XIIIème siècle, Altötting est le centre religieux de Bavière
et pendant plus de 500 ans, le lieu de pèlerinage de la Vierge Marie le plus
important d’Allemagne. Aujourd’hui encore, plus d’un million de pèlerins vont
chaque année y voir la plus célèbre effigie de la Vierge d’Allemagne, la
Madone noire. En septembre 2006, la ville reçoit même la visite du pape
Benoît XVI.
La
famille de Mozart, comme tous les bons catholiques, visitait souvent les lieux
de pèlerinage de la région, comme l’avaient fait Constanze et Mozart lors de
leur seule et unique visite à Papa Léopold à Salzbourg en 1783 ; il est donc
presque impensable que Constanze n’ait pas profité de l’invitation du
compositeur Maximillian Keller pour aller revoir ce lieu et y dire son
chapelet.
Constanze
retranscrit la plus grande partie de ses comptes dans son journal, qui
s’achève toutefois au cours de 1840.
C’est
assez amusant que même le célèbre journal Der Spiegel ait récemment
commenté la photo de
Constanze en la disant « apparue depuis peu » à Altötting – je l’ai moi
depuis près de cinq ans !
Pour en
savoir plus, consulter www.forlaget-amadeo.com où la photo est disponible dans
son intégralité.
Sincères
salutations